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Requalification d’un contrat de prestation de service en contrat de travail

REQUALIFICATION D’UN CONTRAT DE PRESTATION DE SERVICE EN CONTRAT DE TRAVAIL

Utiliser les services d’un auto entrepreneur plutôt que d’embaucher un salarié présente des avantages financiers certains pour un employeur.

A rémunération égale pour le travailleur, l’auto entrepreneur coûte bien moins cher à l’employeur car il paye lui-même ses propres cotisations sociales.

Ce procédé très prisé par les plates-formes numériques conduit inéluctablement à la précarisation de l’emploi. 

Dès lors que la relation entre le prestataire et l’employeur est rompue, le prestataire peut solliciter le CPH (Conseil de Prud’hommes) pour une requalification de contrat de prestation de service en contrat de travail.

Quel intérêt a le prestataire à tenter de faire requalifier sa relation en contrat de travail ?

L’intérêt est de faire juger par un Conseil de Prud’hommes (CPH) la fin de la relation contractuelle comme un licenciement abusif, sans cause réelle et sérieuse, avec toutes les conséquences que cela emporte, à savoir : Le paiement d’un préavis, d’une indemnité de licenciement, et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quelles sont les raisons qui amènent le  prestataire à solliciter la requalification de son contrat de prestation de service en contrat de travail ?

C’est la rupture de la relation contractuelle à l’initiative de la société et l’absence de perspective de revenus futurs qui amène bien souvent le prestataire à solliciter le Conseil de Prud’hommes.

Avant d’examiner les demandes indemnitaires formées par le prestataire, le Conseil de Prud’hommes, pour justifier sa compétence, va donc rechercher si la nature des relations ayant existé entre la société et le prestataire peut s’analyser en un contrat de travail.

Dans l’affirmative, le Conseil examinera ensuite les demandes indemnitaires du prestataire / salarié.

Dans la négative, il se déclarera incompétent et renverra l’affaire devant la juridiction commerciale.

Petit rappel de  la règle de droit :

-         Le contrat de travail se caractérise par un lien de subordination entre un salarié et un employeur.

-         L’existence d’un contrat de travail dépend des circonstances dans lesquelles est exercée l’activité, peu importe qu’il existe entre elle un contrat de prestation de service.

A noter :

Même si ce contrat prévoit que « la relation entre le prestataire et le client n’est pas de nature à caractériser un contrat de travail », le risque de requalification dépendra des circonstances dans lesquelles est rendue la prestation.

Ce qui différencie le contrat de travail de la prestation de service, c’est que le contrat de travail est caractérisé par un lien de subordination qui suppose que l’exécution du travail soit réalisée :

-         sous l’autorité d’un employeur,

-         qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives,

-         d’en contrôler l’exécution,

-         et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le prestataire doit pour cela prouver l’état de subordination dans lequel il aurait réalisé la prestation, caractérisant ainsi un contrat de travail.

Quelles sont les précautions à prendre par la société ?

Il faut s’assurer :

-         que le prestataire a sa propre entité juridique de prestation de service, un site internet, et sa propre adresse email.

-         Que lorsqu’il lui est demandé d’intervenir, il est interrogé sur sa disponibilité, ainsi il a tout loisir d’accepter ou de refuser la prestation proposée.

-         Qu’il ne lui est pas imposé d’horaires de travail, ce qui n’empêche pas de fixer des heures d’intervention, comme à tout prestataire, donc indépendant dans l’organisation de son activité professionnelle.

-         Que les honoraires sont en fonction des prestations effectuées, la prestation ayant fait l’objet d’un devis, puis d’un bon de commande, puis d’une facturation précisant le contenu de la prestation.

-         Que s’il peut être interrogé sur ses dates de congés pour connaître ses disponibilités, ses dates ne lui sont pas imposées par la société, et qu’il demeure libre de tenir compte ou non des convenances de la société pour les fixer.

-          Que s’il existe de fait une exclusivité au profit de la société, cette exclusivité n’a pas été imposée par la société mais résulte d’un libre choix du prestataire.

Quels sont les éléments que doit rassembler la société lorsqu’elle est poursuivie devant le CPH ?

Des échanges d’emails démontrant qu’à aucun moment la société n’a considéré le prestataire comme un salarié.

La plus grande attention doit être apportée aux emails échangés avec un prestataire, d’autant qu’aujourd’hui, le style souvent télégraphique des emails permet de les interpréter comme des directives, des ordres, alors qu’ils n’en sont pas.

Des bons de commandes, factures, échanges d’emails entre la société et le prestataire démontrant que le prestataire a toujours été libre d’accepter ou de refuser la prestation proposée, que ces échanges ne contiennent aucune instruction contraignante donnée par la société au prestataire au-delà des échanges propres à une relation de donneur d’ordre à prestataire.

Se faire remettre via le RCS, les comptes du prestataire pour démontrer, par comparaison de chiffre d’affaires, que la société auprès de laquelle il sollicite la requalification en contrat de travail n’est pas l’unique source de son chiffre d’affaires, l’intéressé se comportant donc bien comme un prestataire de service vis-à-vis des tiers.

Faire état du site internet du prestataire et prouver ainsi qu’il s’affiche comme tel.

Démontrer, toujours par une analyse des comptes, que le prestataire avait son proprematériel avec lequel il a réalisé la prestation. Une fois démontrée l’absence de contrat de travail entre le prestataire et la société, alors le CPH saisit , n’aura plus qu’à se déclarer incompétent pour connaître de la rupture de ce contrat.

Le CPH qui s’estime incompétent renverra donc l’affaire devant la juridiction civile ou commerciale qui jugera du caractère brutal ou non de la rupture de la relation.

A noter :

Le CPH qui se déclare incompétent peut néanmoins condamner le prestataire demandeur à des frais d’avocats ainsi que le condamner aux dépens, voire à des dommages et intérêts pour procédure abusive si effectivement les circonstances le justifient.

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